À l'occasion du Festival de Cannes 2025, retour sur une sélection de films qui ont durablement secoué la Croisette. Depuis sa création, le festival a été le théâtre de nombreuses polémiques artistiques, sociales ou politiques. Certaines œuvres ont provoqué des départs massifs en pleine projection, d’autres ont déclenché des débats virulents entre cinéphiles, journalistes et membres du jury.
Entre provocations visuelles, prises de parole dérangeantes et récits transgressifs, ces films n’ont laissé personne indifférent. Cannes ne se contente pas de célébrer le cinéma d’auteur, il l’expose dans toute sa radicalité. Voici donc une rétrospective des films qui, par leur audace ou leur excès, ont gravé leur passage dans l’histoire du festival.
Antichrist (2009) – Lars von Trier
Présenté en compétition officielle, Antichrist a provoqué des réactions extrêmes, avec des spectateurs quittant la salle et d'autres s'évanouissant face à ses scènes de violence explicite. Lars von Trier, fidèle à sa réputation de provocateur, a défendu son œuvre comme une exploration artistique de la douleur et du deuil. Charlotte Gainsbourg a reçu le prix d'interprétation féminine pour son rôle bouleversant, tandis que le film a profondément divisé la critique. Le film a également suscité des débats sur sa représentation du traumatisme psychologique, mêlant surréalisme, violence et symbolisme religieux. Certains critiques ont crié au chef-d’œuvre radical, tandis que d’autres ont dénoncé une œuvre provocatrice vide de sens. L’impact médiatique de sa projection a fait d’Antichrist l’un des exemples les plus commentés de l’histoire récente de Cannes.
Brown Bunny (2003) – Vincent Gallo
Brown Bunny, un road movie introspectif, a été vivement critiqué lors de sa projection, notamment pour une scène explicite entre Vincent Gallo et Chloë Sevigny. Le critique Roger Ebert l'a qualifié de « pire film de l'histoire de Cannes », déclenchant une querelle publique avec le réalisateur. Pourtant, le film a aussi reçu une ovation de 15 minutes après une version remontée, montrant combien il a cristallisé l’attention et divisé les avis. L’esthétique minimaliste et le rythme contemplatif du film n’ont pas aidé à apaiser les tensions. Avec le temps, certains y ont vu une œuvre audacieuse sur le chagrin, d’autres un exercice d’ego de son réalisateur. Son passage à Cannes reste l’un des plus controversés et emblématiques d’un cinéma qui divise profondément.
Irréversible (2002) – Gaspar Noé
Irréversible est un thriller psychologique raconté en ordre chronologique inversé, contient une scène de viol de neuf minutes en plan-séquence qui a choqué le public. Environ 200 personnes ont quitté la salle lors de la projection. Le film a néanmoins été salué pour sa mise en scène audacieuse et son exploration du thème de la vengeance. Depuis, Irréversible est considéré comme une œuvre-clé du cinéma extrême français. La bande-son oppressante et le style visuel tournoyant ont amplifié la sensation d’étouffement ressentie par une partie du public. Gaspar Noé, connu pour ses choix radicaux, s’est défendu en affirmant vouloir confronter le spectateur à l’horreur sans détour. Depuis, le film est devenu un jalon du cinéma transgressif.
Les Idiots (1998) – Lars von Trier
Deuxième film de von Trier dans cette liste, Les Idiots a provoqué un tollé en raison de ses scènes de sexualité explicite et de sa représentation controversée du handicap mental. Le film, qui suit un groupe de personnes simulant des troubles mentaux pour défier les normes sociales, a suscité de vifs débats sur les limites de la provocation artistique et le bon goût au cinéma. La mise en scène brute, dans l’esprit du Dogme95, et l’aspect documentaire du film ont renforcé la gêne ressentie. Pourtant, certains y ont vu une critique féroce des normes sociales et une réflexion sur l’authenticité. Le débat demeure encore aujourd’hui sur les intentions réelles de son auteur.
The Last Face (2016) – Sean Penn
The Last Face est un drame romantique sur fond de conflit en Afrique, avec Charlize Theron et Javier Bardem, a été unanimement critiqué pour son traitement maladroit des enjeux africains et ses dialogues jugés prétentieux. Certains critiques l'ont qualifié de « film dégueulasse » et d'« obscénité », illustrant l'échec de l'œuvre à aborder avec justesse des sujets sensibles. Sa réception glaciale reste l’une des plus marquantes de la décennie. Même les interprètes principaux ont semblé mal à l’aise face aux critiques. Le film a depuis été largement oublié, mais reste un exemple type des désastres cannois où les intentions louables peinent à se traduire artistiquement. Il est régulièrement cité dans les bilans des pires moments du festival.
Melancholia (2011) – Lars von Trier
Lors de la conférence de presse, von Trier a fait des commentaires controversés sur Hitler, déclarant qu'il « comprenait » le dictateur, ce qui a conduit le festival à le déclarer persona non grata. Malgré cela, Melancholia a été projeté et Kirsten Dunst a remporté le prix d'interprétation féminine pour son rôle dans ce drame apocalyptique. Le scandale a éclipsé, un temps, les qualités artistiques du film. Le festival a tenu à rappeler que ces propos n’avaient rien à voir avec le film lui-même, salué pour sa beauté visuelle et sa profondeur émotionnelle. La controverse n’a pas empêché Melancholia de s’imposer comme l’un des films majeurs de la carrière du cinéaste danois.
Crash (1996) – David Cronenberg
Adapté du roman de J.G. Ballard, Crash explore la fascination pour les accidents de voiture et la sexualité. Sa projection a divisé le public, certains le qualifiant de chef-d'œuvre audacieux, d'autres de film choquant et immoral. Le jury lui a pourtant décerné un prix spécial pour son originalité, affirmant la place de Cronenberg parmi les grands provocateurs du cinéma contemporain. Lors de sa projection, des spectateurs ont quitté la salle, outrés par la représentation d’actes sexuels mêlés à des collisions automobiles. Le président du jury de l’époque, Francis Ford Coppola, a dû défendre le choix du palmarès. Aujourd’hui, Crash est étudié comme une œuvre visionnaire sur la déshumanisation et le corps machine.
Fahrenheit 9/11 (2004) – Michael Moore
Fahrenheit 9/11 est un documentaire critique de la politique de George W. Bush a remporté la Palme d'Or, suscitant des débats sur la politisation du festival. Certains ont salué le courage du jury, tandis que d'autres ont estimé que le film ne méritait pas une telle distinction. À la fois triomphe et polémique, la récompense de Fahrenheit 9/11 a marqué un tournant dans l’histoire du documentaire à Cannes. La presse américaine a réagi vivement à cette Palme d’or, vue comme un acte de résistance politique en pleine guerre en Irak. Michael Moore est devenu une figure incontournable du documentaire engagé, et Cannes a affirmé son rôle de tremplin pour un cinéma qui n’hésite pas à prendre parti.
La Grande Bouffe (1973) – Marco Ferreri
La Grande Bouffe, où quatre amis se réunissent pour manger jusqu'à en mourir, a choqué par sa représentation de la décadence et de la surconsommation. Il a été accusé de vulgarité et de nihilisme, mais est aujourd'hui considéré comme une satire sociale percutante. Sa réception houleuse à Cannes n’a fait que renforcer son statut d’œuvre culte dans les décennies suivantes. Le scandale fut tel que certains spectateurs ont crié à l’insulte faite au festival. Avec le recul, La Grande Bouffe est reconnue pour sa radicalité et sa satire de la bourgeoisie. Il reste une référence du cinéma transgressif des années 70.
Titane (2021) – Julia Ducournau
Titane est un thriller mêlant violence, transformation physique et sensualité qui a remporté la Palme d'Or, divisant critiques et spectateurs. Certains ont salué son audace et son originalité, tandis que d'autres ont été déroutés par son mélange de genres et ses scènes extrêmes. Titane a confirmé Julia Ducournau comme une voix singulière et radicale du cinéma français. Le choix du jury présidé par Spike Lee a été l’un des plus audacieux de l’histoire récente du festival. Titane a permis à Julia Ducournau de devenir la deuxième réalisatrice à remporter la Palme d’or, après Jane Campion. Une consécration pour un film qui ne fait aucune concession.
Sans filtre (2022) – Ruben Östlund
Récompensé par la Palme d'Or en 2022, Sans filtre est une satire sociale au vitriol qui divise fortement. Le film explore les dérives du capitalisme, de la mode et de la lutte des classes à travers une croisière qui tourne au cauchemar. Certaines scènes scatologiques et la critique frontale des élites ont suscité rires, malaise et sifflets lors de sa projection. Cette œuvre provocante confirme le goût de Ruben Östlund pour le malaise social mis en spectacle. En mêlant satire sociale, critique acerbe de l’esthétique du luxe et renversement total des rapports de domination, Östlund livre une œuvre qui dérange autant qu’elle amuse. La Palme d’or 2022 a cristallisé les débats entre ceux saluant une farce politique très efficace et ceux dénonçant une caricature trop appuyée. Un film qui continue de faire parler de lui bien après sa projection.
La Vie d’Adèle (2013) – Abdellatif Kechiche
Lauréat de la Palme d'Or en 2013, La Vie d’Adèle a fait couler beaucoup d’encre. Les longues scènes de sexe explicites entre Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux ont suscité autant d’éloges que de controverses, y compris parmi les actrices elles-mêmes. Après la cérémonie, elles ont dénoncé les méthodes de travail éprouvantes du réalisateur, relançant le débat sur les conditions de tournage et la frontière entre exigence artistique et abus. Un film marquant mais entaché de tensions hors champ. Le Festival de Cannes a exceptionnellement décerné la Palme d’or non seulement au réalisateur, mais aussi aux deux comédiennes, saluant ainsi leur implication totale. Le débat a mis en lumière les conditions de tournage souvent minimisées dans le cinéma d’auteur. Malgré les tensions, le film reste salué pour sa puissance émotionnelle, la vérité de son récit initiatique et l’intensité de ses performances.
Taxi Driver (1976) – Martin Scorsese
Taxi Driver a remporté la Palme d'Or en 1976, mais sa projection a été marquée par des controverses. La violence du film, son ton nihiliste et l’âge très jeune de Jodie Foster dans un rôle de prostituée ont choqué une partie du public. Pourtant, le film est devenu un classique, porté par une interprétation magnétique de Robert De Niro. Il reste l’un des exemples les plus emblématiques de la capacité de Cannes à distinguer des œuvres subversives. Certains membres du jury s’étaient opposés à récompenser un film jugé trop violent, mais le président de l’époque, Tennessee Williams, avait soutenu le choix. Depuis, Taxi Driver est devenu un monument du cinéma, mais il incarne aussi cette tradition cannoise d’oser primer des œuvres dérangeantes, aux antipodes du consensus.
Enter the Void (2009) – Gaspar Noé
Avec ses visuels hallucinés et sa narration psychédélique, Enter the Void a divisé les festivaliers. Le film suit un jeune dealer à Tokyo à travers une expérience de mort imminente filmée en caméra subjective. Entre fascinés et exaspérés, les spectateurs ont vécu un véritable trip sensoriel. Certains ont crié au chef-d'œuvre visionnaire, d'autres ont dénoncé un délire prétentieux. Une expérience extrême, à l’image de son réalisateur. Présenté dans la section Compétition, le film a été décrit par certains critiques comme une expérience visuelle unique, proche de la transe. La caméra flottante, les néons de Tokyo et le traitement du voyage post-mortem ont renforcé le statut d’auteur iconoclaste de Noé. Une proposition radicale, qui incarne parfaitement l’esprit de transgression du Festival.
Où regarder ces films qui ont marqué le Festival de Cannes en streaming ?
De nombreux films cités ici sont disponibles sur les principales plateformes de streaming telles que Netflix, Prime Video, Apple TV+ ou Canal+. Pour vérifier leur disponibilité selon vos abonnements, utilisez JustWatch. Vous pouvez y créer votre propre liste et activer les notifications pour suivre les films les plus radicaux de l’histoire du festival.