Les super-héros gravitent dans le Marvel Cinematic Universe, le DC Universe ou le Sony-Verse. Godzilla et Kong dominent leur MonsterVerse. Les amateurs de Karaté Kid et Cobra Kai montent sur les tatamis du Miyagi-verse. Et côté horreur, parallèlement aux classiques des Universal Monsters et aux nanars du Poohniverse, les fans de paranormal peuvent plonger dans les arcanes maléfiques du Conjuring Universe.
A l’origine de cette lucrative franchise de dix films (plus de 2,7 milliards de dollars de recettes dans le monde à l’heure où j’écris ces lignes), il y a les enquêtes du couple Warren, spécialistes de l’occulte confrontés à des affaires terrifiantes. Leurs travaux ont ainsi permis aux producteurs de la saga de développer au fil des années des prequels et spin-off revenant aux origines de certaines entités. Avec, pour chaque chapitre, un tournage béni par un prêtre (!). On peut donc regarder cette décalogie dans l’ordre de sortie des longs métrages :
- Conjuring : les dossiers Warren (2013)
- Annabelle (2014)
- Conjuring 2 : le cas Enfield (2016)
- Annabelle 2 : la Création du Mal (2017)
- La Nonne (2018)
- La Malédiction de la Dame Blanche (2019)
- Annabelle : la maison du Mal (2019)
- Conjuring : sous l’emprise du Diable (2021)
- La Nonne : la Malédiction de Sainte Lucie (2023)
- Conjuring : l’heure du jugement (2025)
Mais on peut aussi préférer un visionnage selon le déroulement chronologique de la franchise, que je recommanderais -malgré, parfois, quelques incohérences ou changements de comédiens- pour bien appréhender la manière dont cet univers maléfique s’organise autour des Warren. Suivez le guide JustWatch… si vous osez !
NB : les films La Nonne / La Monja (2005) et La Malédiction de la Nonne (2018) ne font PAS partie de la franchise Conjuring, ne vous trompez pas !
La Nonne - se déroule en 1952
Nous sommes en 1952. Envoyés par l’Eglise pour enquêter sur le suicide d’une religieuse dans une abbaye roumaine, un prêtre au passé trouble et une jeune novice vont être confrontés à une entité démoniaque qui hante les lieux sous l’apparence d’une ténébreuse Nonne (2018). Quand le film sort, il s’inscrit comme le cinquième volet de la franchise : pourtant, en dévoilant l’origine du démon Valak, il pose les premiers éléments de l’univers en se raccrochant à Conjuring (2013) et Conjuring 2 (2018). L’horreur est ici plus atmosphérique que graphique, avec une ambiance poisseuse qui investit les murs d’un édifice religieux antique, entre vieilles pierres, couloirs poussiéreux et souterrains inquiétants. Un peu comme si le cadre du Nom de la Rose (1986) accueillait L’Exorciste la suite (1990) ou Le Prince des Ténèbres (1987).
Révélé par Le Sanctuaire (2015), le réalisateur Corin Hardy met son savoir-faire au service d’une ambiance gothique inspirée des films de la Hammer, où s’illustre notamment Taissa Farmiga, la petite sœur de Vera Farmiga (qui interprète Lorraine Warren dans les Conjuring). Son allure innocente contraste parfaitement avec l’aura démoniaque dégagée par Bonnie Aarons sous le maquillage de la nonne, créature qui impose instantanément son iconographie au panthéon horrifique. On regrette juste un récit un peu simpliste et une surenchère de jump-scares pas toujours utiles, mais la sensation malaisante est bien là, avec des moments de vraie tension (le Père Burke enterré vivant, les prières conjointes pour éloigner le Mal…).
Annabelle 2 : la Création du Mal - se déroule en 1955
Trois ans plus tard, en 1955, la franchise Conjuring nous entraîne sous le soleil californien avec Annabelle 2 : la Création du Mal (2017), qui aurait pu tout aussi bien s’intituler Annabelle 0. En effet, il s’agit d’un prequel d’Annabelle (2014), lui-même prequel de Conjuring (2013). Vous suivez ? Ou comment un redoutable démon va prendre possession d’une jeune femme au sein de la maison d’un fabricant de poupées qui accueille des orphelines après la mort de sa fille Annabelle. Comme La Nonne (2018), le film mise sur une approche old-school qui privilégie l’ambiance et la montée en tension, avec quelques moments chocs.
Le réalisateur David F. Sandberg cite volontiers La Maison du diable (1963) et Shining (1980) comme inspirations principales pour l’atmosphère et la musique du long métrage. Plébiscité pour son premier film Dans le noir (2016), il démontre une nouvelle fois son talent pour jouer avec les ombres et utiliser l’espace d’un huis clos, entre pièces interdites et placards qu’il ne vaut mieux pas ouvrir. Les aficionados de L'Orphelinat (2007) devraient apprécier cette relecture du film de maison hantée où l’approche visuelle est soignée et au service du malaise. Avec une connexion très bien vue avec la saga à la toute fin.
La Nonne : La Malédiction de Sainte Lucie - se déroule en 1956
Fort du succès de La Nonne (2018), une suite est mise en chantier pour poursuivre la construction de l’histoire de l’entité démoniaque Valak. La Nonne : La Malédiction de Sainte Lucie (2023) se déroule quatre ans plus tard, en 1956, et voit Sœur Irène (Taissa Farmiga), désormais plus aguerrie, se rendre dans le sud de la France pour enquêter sur plusieurs décès attribués à l’entité démoniaque. Elle y retrouve Maurice (Jonas Bloquet), déjà présent dans le premier film et rattaché lui aussi aux époux Warren, et va devoir retrouver une relique disparue pour triompher dans son combat contre le Mal…
Comme dans les deux précédents opus, l’esthétique est volontairement rétro et l’approche visuelle verse dans l’iconographie gothique pour faire monter la peur crescendo. Avec, comme un écho aux deux premières histoires de la chronologie, un combo « huis clos dans un cloître + religieuses + jeunes orphelines ». C’est peut-être là la limite du film, qui tourne un peu à la recette et qu’on regarde surtout pour compléter la mythologie et pour les apparitions de la Nonne. A ce titre, la scène du kiosque à journaux est extrêmement réussie. Mais en tant que fan de Conjuring, on sera un peu partagé devant le résultat, qui fait plus épisode de remplissage qu’autre chose, avec certains effets vraiment grand guignol qui versent plus dans L’Exorciste du Vatican (2023) que dans ce qui fait le sel de la franchise.
Annabelle - se déroule en 1967
Annabelle (2014) reprend exactement là où se conclut Annabelle 2 : la Création du Mal (2017). En l'occurrence en 1967, alors que la poupée maléfique réapparaît chez un jeune couple (Annabelle Wallis et Ward Horton) qui attend son premier enfant. Les phénomènes paranormaux se multiplient autour du bébé, mais est-ce vraiment cette âme pure que le démon convoite ? Un prêtre proche des époux Warren (Tony Amendola) et une libraire attentionnée (Alfre Woodard) vont tout faire pour les aider à affronter l’entité démoniaque.
Une belle ambiance 60’s traverse le film de John R. Leonetti, qui a œuvré comme directeur de la photographie de Conjuring (2013) et Insidious 2 (2013). Il navigue donc en territoire connu et maîtrisé et sa mise en scène est efficace, avec une ambiance à la Ouija (2014) et The Boy (2016) et un environnement résidentiel en huis clos rappelant notamment Rosemary’s Baby (1968) et The Grudge (2004). Mais on a le sentiment que le récit est un peu bâclé, produit à la hâte pour surfer sur le succès de Conjuring et la forte impression laissée par la poupée en ouverture du long métrage. Le final de Annabelle amène d’ailleurs à ce prologue…
Conjuring : Les dossiers Warren - se déroule en 1968 & 1971
S’il n’y avait qu’un seul film à voir au sein de la franchise, ce serait assurément Conjuring : les dossiers Warren (2013). C’est le tout premier à être sorti, et le cinquième dans la chronologie de l’histoire. On y fait la connaissance de Ed et Lorraine Warren (Patrick Wilson et Vera Farmiga), deux démonologues spécialisés dans les enquêtes occultes, les possessions et la chasse aux artefacts maudits. Après un prologue vraiment flippant situé en 1968 (mettant en scène, vous l’avez compris, cette chère Annabelle et son redoutable « Miss Me ? »), on les retrouve en 1971 alors qu’ils viennent en aide à la famille Perron : leur ferme, située à Harrisville dans le Rhode Island, semble en effet abriter une présence néfaste qui se manifeste à 03h07 et attaque le couple et ses filles…
La grande réussite du long métrage, c’est de prendre son sujet au sérieux. L’interprétation est juste, la mise en scène est élégante et l’ambiance est terrifiante. Le jeu du « clap clap » dans la cave, l’entité sur l’armoire, la boîte à musique, la porte qui se referme dévoilant un coin sombre où l’on devine le Mal absolu… On est dans la terreur pure, celle qui remonte le long de l’échine et fait se dresser les poils sur les bras. Comme si le réalisateur James Wan, déjà adoubé dans le genre avec Saw (2004) et Insidious (2010), savait parfaitement comment tisser ET tirer les fils de la peur (j’ai personnellement eu du mal à dormir pendant quelques jours). Il est aidé en cela par l’histoire même des Warren, dont la caution « d’après de véritables enquêtes » a grandement décuplé le potentiel de trouille du film. Pour le dire autrement, Conjuring est L’Exorciste (1973) ou le Amityville (1979) des années 2010. Tout simplement.
Annabelle : La Maison du Mal - se déroule en 1968 & 1969
Si on devait replacer précisément Annabelle : La Maison du Mal (2019) au sein de la chronologie, il faudrait l’intégrer juste après le prologue de Conjuring (2013). En effet, ce troisième film dédié à la poupée maléfique s’ouvre en 1968 alors que les Warren la récupèrent auprès des deux infirmières victimes de ses méfaits… avant de se poursuivre un an plus tard, en 1969. Oui, le Conjuring Universe est décidément complexe ! C’est donc un épisode qui vient « s’insérer » dans la continuité de l’histoire, avec Ed et Lorraine comme personnages secondaires.
Pièce maîtresse du musée de l’occulte construit par les Warren (une véritable collection de plusieurs objets maudits ou hantés exposés à Monroe dans le Connecticut), Annabelle va ici faire vivre un week-end de cauchemar à la fille du couple (Mckenna Grace) et ses babysitters, alors qu’elle réveille plusieurs entités prisonnières d’une pièce fermée à clé qu’il ne fallait évidemment surtout pas ouvrir. C’est ainsi qu’une mariée sanglante, un passeur macabre, un chien de l’enfer, un jeu de société possédé ou une télévision étrange vont s’animer dans la maison. Plus familial que les autres films, Annabelle 3 a des allures de Chair de poule (2015) avec un bestiaire qui terrorise des adolescents. C’est à regarder comme on va au train fantôme, mais pas comme un chapitre essentiel. A noter que le film est dédié à Lorraine Warren, décédée peu avant sa sortie le 18 avril 2019.
La Malédiction de la Dame Blanche - se déroule en 1973
Chapitre non-officiel de la franchise, La Malédiction de la Dame Blanche (2019) y est pourtant rattaché par la présence au générique de Tony Amendola, qui campait déjà le Père Perez dans Annabelle (2014). Une poupée qu’il évoque frontalement alors qu’il vient en aide à une mère de famille en 1973, cible d’une entité maléfique baptisée La Llorona. Figure iconique du folklore latino-américain (et sans aucun rapport avec la « Dame Blanche » qui apparaîtrait le long des petites routes françaises), cette entité prend l’apparence d’une femme éplorée après avoir noyé ses propres enfants, et qui apporte le malheur à quiconque l’aperçoit. Attention : ne pas confondre ce film avec La Llorona (2019).
Ici, La Llorona prend pour cible les enfants de Linda Cardellini (la Velma de Scooby-Doo, 2002). L’occasion pour le réalisateur Michael Chaves, révélé par le court horrifique The Maiden (2016), de signer son tout premier long métrage au sein de l’univers, lui qui officiera par la suite sur trois autres films (La Nonne 2 et les deux derniers Conjuring en date). Assez oubliable, le film a le mérite d’élargir les frontières de la mythologie au-delà des Warren, comme l’avaient fait The Marked Ones (2014), Ghost Dimension (2015) et Next of Kin (2021) pour Paranormal Activity. Et de faire découvrir des croyances latines, comme Mama (2013)... ou Coco (2017) et Encanto (2021) dans un genre bien différent.
Conjuring 2 : le cas Enfield - se déroule entre 1977 & 1979
Après un prologue en 1976 dans l’iconique maison hantée d'Amityville -une affaire qui mit en lumière le travail des Warren à l'(époque- Conjuring 2 : le cas Enfield (2016) bondit entre 1977 et 1979, alors que le couple part en Angleterre pour enquêter sur une affaire de poltergeist qui se manifeste dans la banlieue de Londres. Canular orchestré par une petite fille (formidable Madison Wolfe) et sa famille en quête de médiatisation ou véritables phénomènes ? Ed et Lorraine vont tenter d’y voir clair face à des manifestations qui défient le rationnel, et notamment une nonne démoniaque (vous l’avez reconnue ?) qui hante la médium…
L’affaire Enfield est l’un des cas les plus médiatisés et documentés de l’histoire du paranormal. Avec notamment des sources vidéo disponibles en ligne qui posent de vraies questions et provoquent de vrais frissons. Le film, comme son prédécesseur, est une nouvelle fois réussi, James Wan y injectant une approche assez différente, avec une image froide et pluvieuse « so british » qui donne au récit une ambiance à rapprocher de Poltergeist (1982), L’Emprise (1982) ou When the lights went out (2012). Comme dans Conjuring, le réalisateur prend son temps pour développer ses personnages. Et une nouvelle fois, sa mise en scène fait des merveilles pour créer la peur à partir d’éléments très simples : une télécommande de télévision, un fauteuil, un tableau, un drap, l’encadrement d’une porte ou une cave inondée. On regrettera juste une durée un peu longue (2h14), rallongée par un bestiaire grandiloquent où s’illustrent un vieil homme , un Crooked-Man (bien trop CGI pour y croire vraiment) et le démon Valak.
Conjuring : sous l'emprise du diable - se déroule en 1981
Une autre affaire emblématique des Warren est au centre de Conjuring : sous l’emprise du diable (2021). Nous sommes en 1981, et après le meurtre sauvage (22 coups de couteaux !) de son propriétaire, un certain Arne Cheyenne Johnson, soutenu par le couple, plaide l’homicide involontaire en invoquant une possession démoniaque au moment des faits. Ce procès, qui marque la toute première incursion du paranormal dans l’histoire judiciaire américaine, est le prétexte pour la franchise de mettre en scène Ed (affaibli après une crise cardiaque) et Lorraine dans une enquête sur fond de culte satanique.
Celles et ceux qui -comme moi- attendaient un film de procès sur fond de fantastique seront sans doute déçus en découvrant ce troisième chapitre des Conjuring, qui recycle un peu tout ce qui a été vu précédemment. Notamment des souterrains poussiéreux, des visions macabres, des possessions et autres désarticulations où la peur est sacrifiée sur l’autel du spectaculaire (à ce titre, la scène du waterbed et la séquence dans la morgue sont assez réussies). Le résultat n’en reste pas moins efficace, avec une belle place donnée au passé et à l’amour des Warren, et s’inscrit dans la lignée de mélanges horreur-polar comme L’Exorcisme d’Emily Rose (2005) et Délivrez-nous du mal (2014). A noter que cette histoire a été adaptée à l’écran en 1983 dans le téléfilm Le Procès du démon porté par un jeune Kevin Bacon.
Conjuring : l’heure du jugement - se déroule en 1964 & 1986
Conjuring : l’heure du jugement (2025) s’ouvre en 1964 au moment de la naissance de Judy, la fille des Warren, pour se poursuivre en 1986. Usés et affaiblis par leurs enquêtes, les deux démonologues cherchent à s’éloigner du terrain pour se consacrer à des livres et conférences, mais un miroir maudit (ou conjuring mirror) va les confronter au tout premier démon croisé au début de leur carrière…
Inspiré de l’histoire (supposée) vraie des phénomènes subis par Jack et Janet Smurl pendant quinze ans -déjà adaptée à l’écran en 1991 dans La Maison hantée- le long métrage est censé clore la franchise Conjuring. D’où le titre original The Last Rites / Les Derniers Sacrements. L’occasion pour Ed et Lorraine (Patrick Wilson et Vera Farmiga, toujours aussi impliqués et justes) de tirer leur révérence en faisant pour la première fois équipe avec leur fille (Mia Tomlinson) et leur gendre Tony Spera (Ben Hardy). Conclusion oblige, beaucoup de comédiens des anciens films apparaissent aux côtés de la véritable Judy Warren, qui fait une apparition clin d'œil et adoube ainsi l’univers qui a célébré le travail de ses parents.Succès oblige (le film est désormais le plus gros carton commercial de la saga au box-office avec plus de 400 millions de dollars de recettes), une deuxième phase serait en préparation. Et possiblement centrée sur Judy qui a hérité du don de sa mère et repris le flambeau. Les Warren (et les démons) n’ont donc pas dit leur dernier mot !